Au XVIe siècle, beaucoup de Français et d’étrangers, notamment des Allemands, viennent à Bourges pour étudier dans son université. Elle est essentielle pour la ville comme le montre le titre de cette vue de Bourges de 1575 (ci-dessus). L’université est très réputée car il y a de bons professeurs.
Pour s’y rendre, il devait passer par le cloître du couvent des Augustins qui a été reconstruit au XVIIe siècle. Calvin rencontra de nombreux étudiants allemands qui avaient eux-aussi été attirés par la réputation de l'université de Bourges. Ils diffusaient les idées de Martin Luther (1483-1546) qui critiquait la religion catholique. Voici les principes que la réforme protestante et Jean Calvin défendaient :
Les protestants berruyers se réunissaient dans un endroit discret pour célébrer leurs offices : la cave de l’hôtel particulier de la famille Colladon (10 rue des Beaux-arts, aujourd’hui « Cave des Beaux-arts »). Cette cave date de l’époque gothique avec sa voûte en croisée d’ogives. Germain Colladon quitta Bourges à cause des guerres de religion et alla se réfugier en Suisse où il participa à fonder la République de Genève.
Les protestants font de la cathédrale leur temple et s’enferment derrière les remparts de la ville pendant trois mois. L'armée catholique fait le siège de Bourges pour reprendre la ville aux protestants : c'est une guerre civile et religieuse. Catherine de Médicis vient avec son jeune fils, Charles IX, roi de France, assister au siège. Ils logent dans notre quartier, dans le château de Lazenay, actuellement résidence hôtelière au bord du lac d'Auron. L'armée royale catholique de 15 000 hommes tire au canon pour faire une brèche dans le rempart. Les 10 000 protestants répliquent par des tirs depuis le haut de la Grosse-Tour comme on peut le voir sur la vue de Bourges gravée par Hoefnagel en 1562. Finalement, les protestants capitulent le 1er septembre 1562. En 1569, ils voulaient leur revanche et reprendre Bourges. Les protestants de Sancerre ont essayé d'acheter pour 10 000 écus la trahison d'un garde de la Grosse-Tour, mais il joua un double-jeu et, le 21 décembre 1569, l'armée protestante est repoussée devant la Grosse-Tour comme le montre la gravure de Périssin et Tortorel. En 1572, le terrible massacre de la Saint-Barthélemy a lieu à Paris. Les catholiques berruyers décident de faire de même à Bourges, ce qui amena beaucoup de protestants à quitter définitivement le Berry pour se réfugier en Suisse, notamment à Genève. Texte d'Agathe et photos de Gabin
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La Tour de Beurre est la tour nord de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges (à gauche sur la photo). La tour sud (à droite sur la photo) est surnommée la tour sourde car si on avait fait sonner ses cloches, elle se serait effondrée du fait de ses mauvaises fondations
Elle avait été bâtie sur un terrain en pente et remblayé. Ses fondations étaient donc mauvaises. Elle menaçait de s'effondrer. Des travaux de consolidation ont été réalisés, ce qui semble avoir précipité sa chute. Elle s'est effondrée le 31 décembre 1506, comme le montre l'inscription (de gauche) gravée sur un cul-de-lampe à la 304e marche: « Ce fut l'an mil cinq cens et six, de décembre le dernier jour, que pour ung fondement mal posé de St-Estienne tomba la tour ». Les travaux de reconstruction commencent en 1508. Pour pouvoir les financer, le roi de France, Louis XII, demande à l’archevêque de Bourges de donner une partie (3000 livres) de son revenu annuel. Le roi accorde aussi une part (2600 livres) de la gabelle qui était la taxe payée lorsqu'on achetait du sel, essentiel pour conserver la viande et les autres aliments. La reconstruction a aussi été payée par l'argent des indulgences qui permettaient aux chrétiens de manger gras durant le carême et d'aller quand même au paradis. Elle a donc été surnommée la Tour de Beurre. La reconstruction est lente puisque l'inscription (de droite) gravée à la 304e marche nous apprend que : « 1523, le IIIIe jour de juilliet, fut assise ceste présente pierre ». Il restait alors une hauteur de 92 marches a construire pour arriver au total d'aujourd'hui de 396 marches et atteindre la hauteur actuelle de 66 mètres. Le choix de terminer la tour par une terrasse a été confirmé en 1530 par le chapitre cathédral qui voulait ainsi imiter Notre-Dame de Paris. De cette terrasse, tout en haut de la tour, on peut voir (malheureusement dans la grisaille) toute la ville de Bourges et notamment tous les monuments que nous avons étudiés cette année : le Palais du duc Jean de Berry, le palais Jacques-Cœur, l'hôtel des Échevins, la place Gordaine et la ville-basse (voir le diaporama ci-dessous). La Tour de Beurre est de style gothique pour s'harmoniser avec le reste de l'édifice construit trois siècles plus tôt. Cependant, elle comporte aussi quelques éléments de décoration Renaissance sur les portails Saint-Guillaume et de la Vierge qui ont eux-aussi été reconstruits : les arcs en anse de panier à la place des arcs brisés gothiques, des coquilles Saint-Jacques, des candélabres sculptés sur les portes, des oves, des frises décorées de rinceaux en faible relief, des palmettes... Dans la cour haute de l'hôtel Lallemant, nous avons admiré une sculpture en forme de médaillon représentant Pâris, fils de Priam, roi de Troie. C'est le signe qu'à la Renaissance, on redécouvre l'Antiquité et la mythologie. Un des frères Lallemant s'identifiait sûrement à Pâris et s'intéressait à cette culture antique. Il y avait quatre frères Lallemant : Jean l'Aîné, Jean le Jeune, Guillaume et Étienne. Ces deux derniers étaient notamment archidiacre et chanoines de la cathédrale de Tours. Ils avaient une sœur, Jeanne, mariée à un important Lyonnais. Jean l'Aîné était receveur général des finances en Normandie et son frère, Jean le Jeune, l'était en Languedoc. C'était une famille très puissante et riche : le grand père Guillaume travaillait auprès de Jacques Cœur et Jean l'Aîné s'était marié avec Jeanne Gaillard dont le frère avait épousé la demi-sœur de François Ier. Cette famille qui a été anoblie était donc riche (voir les cornes d'abondance sur le chapiteau près du médaillon de Pâris), puissante et cultivée, possédant de nombreux manuscrits enluminés.
D'autres médaillons en terre cuite représentent peut-être des personnages de la mythologie: un faune et Méduse. Ce type de sculptures fait penser à des œuvres de sculpteurs italiens qui ont introduit la Renaissance en France et donc notamment à Bourges. D'autres ornements sont de style Renaissance : des pilastres, des oves, des balustres, des rinceaux, des coquilles de Vénus, le faible relief des sculptures, les colonnes en spirales, les chapiteaux ornés d'oiseaux, la galerie avec des arcs en plein cintre avec des médaillons aux écoinçons. Cependant ce style à l'antique côtoie des éléments gothiques comme les sculptures en fort relief ornant les culots des fenêtres, celle du fou supportant la tourelle, une gargouille, la fenêtre de la chapelle avec ses lancettes en arc brisé.
La porte de la cour basse est magnifiquement sculptée d'ornements à l'italienne qui font là-aussi penser à l'intervention de grands sculpteurs italiens. Elle est d'une qualité supérieure à celle de l'hôtel Cujas (hôtel Salvi) et de la plupart des autres monuments français de la première Renaissance . L'escalier mène à un palier sur lequel le style gothique de la voûte en croisée d'ogives reposant sur des culs de lampes est associé au nouveau style Renaissance encadrant la porte s'ouvrant sur la chapelle. Ce petit cabinet est l'aboutissement de la visite : il est éclairé par un vitrail aux armes des Lallemant et il est magnifiquement orné d'un exceptionnel plafond à caissons sculptés. Depuis longtemps, on cherche à déchiffrer le sens de toutes ces figures si finement sculptées. Faut-il y voir un sens alchimique ou religieux ? Un recopiage des miniatures de leurs manuscrits enluminés ou le récit crypté de leurs sentiments ? Les élèves de l'option Patrimoine ont leur petite idée... L'hôtel-Dieu était l'ancien hôpital de Bourges tenue par des religieuses. Il a été construit entre 1510 et 1527, en partie par ceux qui reconstruisaient au même moment la tour nord de la cathédrale de Bourges. La façade sur rue de l’hôtel-Dieu est le pignon de la chapelle. Elle présente deux grandes fenêtres en arc brisé avec dans le remplage des quadrilobes et des flammes qui permettent de qualifier ce gothique de flamboyant. Les pinacles, les feuilles de choux frisés et les dais sculptés sont aussi gothiques mais on observe des coquilles de Vénus dans ces niches qui sont un signe du passage à la Renaissance. Le grand portail d'entrée est Renaissance avec son arc en plein cintre, ses chapiteaux ioniques qui rappellent l'Antiquité grecque (temple d'Athéna nikè sur l' Acropole), des pilastres sculptés en faible relief (racontant la passion du Christ), des moulures d'oves. Dans la cour intérieure, la porte de gauche est bien décorée d’un arc en accolade gothique avec des feuillages, des chimères et un écu orné des instruments de la Passion. L’hôtel-Dieu est un édifice religieux. La porte de droite, aujourd’hui murée, est plus tardive : la date de 1533 est gravée à son linteau. Elle contraste avec sa voisine de gauche par son style Renaissance : pilastres, chapiteaux sculptés en faible relief, arc en anse de panier et corniches. Une devise latine est gravée sur la frise : « deum time servata mandata pauperes sustine » ( Crains Dieu, observe ses commandements, soutiens les pauvres). Effectivement, les religieuses de l’hôtel-Dieu n’accueillaient pas que les malades mais aussi les pauvres. C’était une des missions de l’Église à l’époque. La photo dans la cour montre que la chapelle, bien plus haute, est à gauche, tandis qu’à droite c’est la salle des malades. La photo intérieure (visitable lors des journées du patrimoine) dévoile une très vaste salle, chauffée par une unique cheminée, bien éclairée par les vastes fenêtres gothiques, avec un plafond très haut en anse de panier. Les malades étaient alités dans cette salle collective avec vue sur la chapelle afin qu’ils puissent assister aux offices des religieuses. La chapelle est voûtée en croisée d’ogives. L’hôtel-Dieu était proche du rempart médiéval et de la porte Saint-Sulpice, mais étant encore en ville, il n’accueillait pas les malades trop contagieux (lèpre et peste) qui étaient mis à l’écart de la population berruyère dans une maladerie ou une maison des pestés, des pestiférés comme on peut le voir sur ces deux vues de Bourges du XVIe siècle.
Par contre, le bas des lucarnes est décoré de coquilles de Vénus qui sont un ornement Renaissance. Les médaillons en marbre aussi sont de ce nouveau style qui a été apporté par Salvi, originaire de Florence, le berceau de la Renaissance italienne. Le médaillon de Romulus montre que l'on redécouvre l'Antiquité. On s'intéresse alors plus à l'homme qu'a la religion: c'est l'humanisme. Les arcs de la galerie sont en anse de panier, arc de transition entre le gothique et la Renaissance. Le portail d'entrée est un magnifique exemple de ce nouveau style italien: arc en anse de panier, les pilastres (piliers plats), les putti (mot italien qui désigne les anges tout nus dodus et ailés), une frise figurant des animaux fantastiques et des rinceaux sculptée en très faible relief à la différence de la sculpture gothique, les oiseaux sur des chapiteaux, les moulures d'oves (œufs) et les corniches finement décorées. Les tourelles en échauguettes sont ornées de balustres et de pilastres aux fenêtres. Les moulures dans le bas de la tourelle sont aussi de style Renaissance. L'hôtel Salvi, dit l'hôtel Cujas, est un des premiers monuments de Bourges, après l'hôtel Lallemant, à introduire la Renaissance italienne dans l'architecture.
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